On observe depuis quelques années une incompréhension croissante entre les éleveurs et les citoyens – consommateurs. La question du bien-être animal cristallise à elle seule les tensions, à tel point que l’élevage est devenu un sujet de controverse. D’un côté, les citoyens se questionnent et demandent plus de transparence, de traçabilité et moins d’industrialisation. De l’autre, les éleveurs se sentent incompris, dénigrés et ne savent plus comment répondre aux demandes des citoyens tout en se garantissant des conditions de vie décentes. Le constat est donc que le dialogue n’existe pas entre ces 2 parties qui ont besoin de se rencontrer et de se connaitre pour construire ensemble l’élevage de demain.
Face à ce constat, le LIT OUESTEREL mène un projet depuis 2021 visant à favoriser l’engagement des éleveurs vers une démarche de progrès à plusieurs étapes de ce progrès : susciter l’envie, aider à faire le pas une fois que l’envie est présente, et valoriser les efforts déjà faits. Si cela suffit à certains éleveurs pour mener des actions à leur échelle, d’autres peuvent faire part d’un manque de marge de manœuvre lorsqu’ils répondent au cahier des charges d’un groupement. Le LIT s’est donc lancé un 2ème objectif en 2024, qui est de favoriser l’engagement serein des éleveurs via des actions au niveau des organisations de producteurs (OP).
Le sujet a donc été articulé en deux axes de travail : 1) l’éleveur dans l’action, et 2) les OP dans l’action.
Le LIT OUESTEREL a mené ce sujet en parallèle dans ses trois régions d’étude, sur des sujets complémentaires présentés plus en détails ci-dessous :
En Normandie, le travail mené visait à comprendre comment susciter l’envie des éleveurs à s’engager dans une démarche de BEA. Une enquête en ligne auprès d’éleveurs bovins a permis de faire un diagnostic sur les freins et les motivations des éleveurs pour s’engager.
Malgré quelques biais liés au profil des répondants (éleveurs pour la plupart déjà engagés dans une certification en BEA), les résultats de l’enquête montrent qu’il n’y a pas de différence notable en termes de perception sur le BEA suivant les types d’exploitations / de répondants. Le bien-être animal est majoritairement perçu de manière positive (« opportunité », « force », « évidence »,…) et l’améliorer semble apporter une meilleure santé des animaux et satisfaction au travail des répondants.
Les principales motivations retenues pour améliorer le BEA peuvent être rangées en deux catégories : d’une part, améliorer le BEA leur tient à cœur et est directement lié à leurs animaux, et d’autre part, améliorer le BEA permet d’améliorer d’autres critères (communication et rentabilité notamment).
Les principaux freins pour s’engager dans une démarche de progrès sont l’impression de faire déjà au mieux, que respecter la réglementation suffit pour respecter le BEA, ou l’attente d’une meilleure valorisation du BEA. Les répondants admettent ne pas s’engager plus car ils ne sont pas être les seuls à décider, n’en ressentent pas le besoin, ou n’ont pas le temps.
Du côté de la Bretagne et des éleveurs porcins, la piste de travail a été d’étudier comment aider les éleveurs ayant déjà envie de s’engager dans une démarche de BEA à faire le pas. Ce travail a commencé par une phase de diagnostic pour identifier les priorités sur lesquelles les éleveurs porcins souhaitaient évoluer. Ensuite, une phase d’idéation lors de salons agricoles (SPACE, Ohhh la vache) en 2022 a permis de récolter des idées auprès d’éleveurs et de citoyens pour aider les éleveurs à mettre en œuvre ces changements.
56 idées ont ainsi été recueillies, triées puis sélectionnées selon celles dont la mise en œuvre pouvait être accompagnée ou réalisée par le LIT OUESTEREL. 3 pistes d’actions ont été retenues :
– Accompagner financièrement le changement : le LIT OUESTEREL a déposé un projet dans cette optique (plus d’informations à venir) ;
– Accompagner techniquement le changement : pour aider les éleveurs à faire les bons choix techniques, un outil d’évaluation multicritère est en cours de création. Cet outil a pour objectif d’apprécier les impacts de pratiques ou de systèmes a priori favorables en matière de BEA sur les autres critères qualifiant l’atelier d’élevage (économiques, environnementaux, et conditions de travail) ;
– Rassurer : proposer aux éleveurs de participer à des réunions de partage d’expérience. Dans le cadre de la diffusion de la traque aux innovations menée par le LIT OUESTEREL, des webinaires de partages d’expérience seront proposés. Sur l’espèce volaille, un webinaire a déjà eu lieu en novembre 2023 sur la thématique de l’éclosion à la ferme (voir ci-dessous).
En prenant l’exemple de l’élevage de volailles, l’association LIT OUESTEREL souhaité rétablir le dialogue entre éleveurs et habitants d’un même territoire, le Pays d’Ancenis. Pour ce faire, elle a misé sur l’élaboration collective de solutions permettant de valoriser ou de favoriser des initiatives en bien-être dans les élevages de volailles locaux.
À cette fin, une série de rencontres entre habitants et éleveurs a été imaginée, avec le soutien de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire et l’appui de la Communauté de communes du Pays d’Ancenis (CompA). 9 citoyens – consommateurs et 8 éleveurs de volailles se sont rencontrés au cours de 4 ateliers en 2021 et 2022. D’abord sceptiques sur l’intérêt de cette démarche, les éleveurs ont rapidement été mis à l’aise par les citoyens. Des échanges bienveillants s’en sont suivis et les deux groupes ont pris conscience de l’utilité pour eux de travailler collectivement à améliorer le bien-être des volailles, dans une ambiance sereine et constructive. Au terme de la série d’ateliers, les participants ont imaginé ensemble 35 pistes d’action pour favoriser ou valoriser les démarches d’éleveurs en faveur du bien-être animal (l’ensemble de ces 35 pistes d’action sont consultables dans les documents téléchargeables ci-dessous).
Ces 35 idées ont ensuite été présentées à un groupe élargi d’éleveurs volailles de la CompA lors d’un 5ème atelier, afin de sélectionner les idées les plus pertinentes à mettre en œuvre sur le territoire. Cette sélection a permis d’identifier trois pistes d’actions :
– Organiser des visites d’élevage pour les citoyens – consommateurs ;
– Organiser des rencontres entre les éleveurs, industriels et distributeurs pour parler investissement en bien-être animal ;
– Organiser des échanges entre les éleveurs ayant des pratiques spécifiques en bien-être animal et leurs collègues n’utilisant pas ces pratiques : un webinaire a déjà eu lieu en novembre 2023 sur la thématique de l’éclosion à la ferme (voir ci-dessous).
Organiser des échanges entre éleveurs pour valoriser les pratiques : deux exemples de webinaires !
En novembre 2023, le LIT OUESTEREL, l’ITAVI et INRAE ont organisé un webinaire sur l’éclosion à la ferme auquel des éleveurs la pratiquant et ne la pratiquant pas ont été conviés. Au programme, des résultats d’essais inédits dévoilant les avantages concrets de la technique d’éclosion à la ferme, en élevage conventionnel et plein air et des témoignages d’éleveurs expérimentés utilisant différentes approches pour inspirer d’autres éleveurs.
En septembre 2024, le LIT OUESTEREL et la chambre d’agriculture régionale de Bretagne ont organisé un webinaire sur la mise en place de maternités libertés en élevage porcin. Cet évènement a réuni une trentaine de participants (éleveurs, vétérinaires, ingénieurs, techniciens, enseignants et étudiants). Après une présentation des résultats de l’enquête sur ce sujet, trois éleveurs ayant une maternité liberté ont témoigné de leur expérience sur leur système.
Le suite de ce projet a commencé au premier semestre 2024 auprès des OP membres du LIT OUESTEREL. Les objectifs sont (1) d’étudier les besoins, freins et motivations des OP à aller plus loin dans l’engagement dans une démarche de progrès en santé et bien-être animal, et (2) d’identifier les leviers sur lesquels le LIT pourrait agir pour favoriser cet engagement.
Actuellement des entretiens semi-directifs sont menés auprès de divers interlocuteurs des OP membres du LIT OUESTEREL. Le but de ces enquêtes est de connaître la position des OP sur le sujet du bien-être animal, faire un état des lieux des actions et identifier les freins et leviers à l’engagement. Une fois la phase d’enquête terminée, il s’agira d’analyser qualitativement les données recueillies afin d’identifier les marges de manœuvre possibles pour le LIT.
07/08/2024