En juin 2022, l’association LIT OUESTEREL a lancé, pour 18 mois, une opération de co-construction dont le but est d’étudier les comportements de consommation de produits carnés en France.
Alors que de plus en plus de citoyens déclarent vouloir « consommer moins mais mieux » quand il est question de produits animaux et notamment carnés, on observe que les comportements réels de consommation ne correspondent pas toujours à ces aspirations. Les éleveurs et producteurs, qui sont face aux chiffres de la consommation, peuvent être alors septiques face aux attentes sociétales qui ne se traduisent pas systématiquement en actes d’achats, et en conséquence, ont une aversion à prendre des risques économiques qu’impliquerait la mise en œuvre de nouvelles pratiques plus favorables au bien-être animal. On comprend alors le besoin d’objectivation des comportements de consommation afin d’accompagner la transformation des productions animales vers des modalités plus proches des injonctions sociétales (1).
Les travaux couvrent ainsi 3 objectifs :
– Analyser les évolutions des consommations de produits animaux, dans le cadre plus général des évolutions des régimes alimentaires ;
– Comprendre les comportements de consommation et les déterminants qui sous-tendent ces évolutions ;
– Apprécier des facteurs qui conditionneront les régimes alimentaires à moyen termes, et dans ces régimes les consommations de produits animaux/carnés, ainsi que les leviers d’action qui pourraient jouer sur ces facteurs.
Une recherche bibliographique a été réalisée pour analyser les évolutions des consommations de produits animaux. Les résultats sont présentés sous forme de 4 séries de podcasts et d’un webinaire, que vous pouvez retrouver sur la chaîne Youtube du LIT OUESTEREL :
Vous retrouverez ci-dessous les principaux enseignements de cette analyse, aussi disponibles sous la forme d’une synthèse de l’analyse des évolutions de consommation de produits animaux :
Points clés :
L’individualisation des cadres de pensée conduit le consommateur à construire son propre référentiel de valeurs concernant son alimentation. Il ne choisit plus ses aliments qu’en fonction de ses goûts mais de ce à quoi il veut être identifié, de ce qui est bon pour sa santé à ses yeux. Ce qui n’est pas sans générer incertitudes et doutes.
L’offre de produits et de services s’est multipliée pour répondre à ces nouvelles stratégies personnelles. Les réseaux sociaux facilitent leur mise en place : il est plus simple aujourd’hui de trouver des pairs en accord avec soi-même et de s’en trouver conforter dans ses convictions.
Au centre du temps dit « traditionnel », les repas, l’activité de manger, deviennent peu à peu des activités secondaires. Dans un temps accéléré où priment la technologie, le travail, les loisirs, les repas s’adaptent aux multiples activités de l’individu et se déstructurent.
Dans ce contexte mouvant, le rapport à la nature, rêvée et réenchantée car de plus en plus éloignée du consommateur, fait figure de valeur refuge.
Points clés :
La consommation totale de viande tend à baisser en France et en Europe. L’érosion est lente, mais réelle. Viandes bovine et ovine sont les plus touchées, le porc restant à peu près stable et la volaille augmentant.
Si l’image de la viande reste positive en termes de goût, de qualités nutritives, elle ne constitue plus un marqueur de réussite sociale, au contraire : les catégories socio-professionnelles supérieures en consomment de moins en moins.
La population des flexitariens, ces consommateurs qui cherchent à réduire leur consommation de viande, se développe. Elle représenterait aujourd’hui 24 % de la société, les « déconsommateurs de viande » totalisant 34 %. Les motivations de ses membres sont diverses, allant de la préservation de la santé à la responsabilité à l’égard des générations
futures en passant par l’opposition à l’élevage des animaux.
Points clés :
La qualité d’un produit est une notion subjective qui n’est pas appréhendée de la même façon d’un consommateur à l’autre. Elle est étroitement liée à la confiance accordée à l’aliment. C’est un critère qui se construit socialement et culturellement. La hiérarchisation des critères d’appréciation – comme le prix ou le label – entraîne l’apparition d’une norme sociale de la qualité.
L’origine est un critère de choix déterminant, qui importe à tous les consommateurs, désireux de manger « français » voire « local ». Lorsque l’acheteur n’est pas contraint économiquement, ce critère peut apparaître comme plus important que le prix. Les qualités organoleptiques du produit, en particulier son goût, sont également clés, mais d’appréciation plus variable.
Le respect du bien-être animal est « désiré » par une partie des consommateurs. Mais le consentement à payer plus pour des produits respectueux de l’animal demeure faible,
comme l’offre de produits afférente.
Points clés :
L’offre en alternatives aux produits carnés s’est considérablement développée au cours des 20 dernières années, que ce soit dans les rayons des supermarchés ou en restauration commerciale. Aux côtés des produits bruts d’origine végétale et riches en protéines (tofu, graines diverses, légumineuses…) sont apparus des aliments transformés cherchant à se substituer aux produits carnés, d’abord dans les usages, puis dans la forme et le goût.
Le consentement du consommateur à payer pour un substitut aux produits carnés est limité : les études citées dans le document montrent qu’en coûtant moins cher que l’original carné, le substitut augmente ses chances de séduire le consommateur, qui en France achète de façon plutôt ponctuelle ces produits. Eduquer à l’intérêt de ces produits (nutritionnel, environnemental…) et informer sur leurs propriétés sont des pratiques de nature à améliorer le consentement à payer.
Alternatives potentielles à la viande, les insectes ne sont pas encore acceptés par le consommateur européen. Il n’attend pas, en tout cas, qu’ils ressemblent aux produits carnés, contrairement aux substituts d’origine végétale.
Dans une démarche ethnographique, 15 entretiens individuels semi-directifs ont été réalisés, directement au domicile des consommateurs. Interroger ces consommateurs dans leur environnement domestique sur leur rapport au monde agricole, à l’élevage, à l’alimentation et sur leur consommation de produits carnés nous a permis de :
– Observer leurs modes de vie et l’univers matériel dont ils disposent (comprendre comment ils vivent) ;
– Partir de leurs pratiques avant de s’intéresser aux motivations (théorie des pratiques) ;
– Confronter leurs discours à leurs pratiques.
En outre, 5 de ces consommateurs ont été accompagnés jusque dans leur magasin de référence, lors de leurs courses pour se centrer sur le moment d’achat des produits carnés et mieux comprendre ce qui se joue lorsqu’ils sont face aux rayons : ce que les consommateurs voient et perçoivent dans le magasin, l’importance ou non du commerçant, de l’étiquette, de l’emballage, etc.
En caractérisant un segment cible de marché BEA, cette enquête qualitative nous a permis de constituer des matériaux de travail et de réflexion pour la mise en place d’expérimentations en magasin (2024-2025), et notamment :
– Un film ethnographique (20min) pour illustrer les grandes lignes de l’étude et repartir précisément des dires des consommateurs :
– 4 personae (cibles marketing) pour imaginer des concepts et des façons de mieux valoriser le BEA auprès des consommateurs ;
– Des leviers, des « grands enseignements » et des messages sur lesquelles s’appuyer pour mettre en avant les produits BEA (document à venir).
Fin 2023, nous avons lancé une étude quantitative dont l’objectif était d’évaluer la taille du segment de marché du Bien-être animal et son potentiel d’évolution.
Basé sur les caractéristiques définissant les personae de l’étude qualitative, ce nouveau travail nous a permis de mieux estimer la répartition de ces caractéristiques dans la population nationale et ainsi de décrire des segments potentiels pour lesquels des stratégies de communication vis à vis du bien-être animal pourraient être mises en place.
30/10/2024