L’association LIT OUESTEREL est en contact régulier avec des éleveurs1 de porcs, de volailles et de bovins du Grand Ouest. Lors de ces échanges – et en particulier suite aux travaux sur l’engagement serein des éleveurs de volailles dans une démarche d’amélioration du bien-être animal – l’un des besoins exprimés par ces éleveurs était de renforcer leur capacité à recevoir du public sur leur ferme et d’améliorer leur façon de parler de leur métier, tout en exprimant la crainte de jugements et d’incompréhensions. En parallèle, les citoyens ayant participé à nos travaux ont exprimé le souhait de renouer avec le monde agricole et les métiers de l’élevage, afin de mieux comprendre d’où provient leur alimentation. L’association a donc lancé un travail de co-construction pour rendre les visites d’élevages plus sereines pour les éleveurs, et pédagogiques et attractives pour les visiteurs.
Partant des constats que de moins en moins d’éleveurs ouvrent les portes de leur exploitation à des citoyens, qui eux n’ont plus conscience de la réalité des élevages, nous avons, avec l’aide d’étudiantes de l’Institut Agro de Rennes, cherché à mieux cerner la problématique autour des visites d’élevages. Des enquêtes auprès de citoyens et d’éleveurs, ouvrant leurs fermes ou non, ont permis d’identifier, d’un coté les attentes des citoyens visiteurs, de l’autre les motivations et freins des éleveurs à recevoir du public. Nous vous présentons ci-dessous les principaux enseignements de ces enquêtes.
Pour étudier les attentes des citoyens envers les visites d’élevage, un groupe de 4 étudiantes de l’Institut Agro Rennes a mis en place une enquête en ligne pendant un mois, et a récolté 464 réponses.
Parmi les citoyens enquêtés, 30% n’avaient jamais visité d’élevage, principalement par manque d’occasion, et parmi ceux qui avaient déclaré avoir déjà visité un élevage, la moitié l’avait fait il y a plus de 5 ans.
Les motivations des citoyens pour participer à des visites sont la curiosité, faire découvrir aux enfants, acheter des produits, faire du tourisme,… Certains souhaitent ressentir « la passion chez l’éleveur » et avoir « un bon contact avec des éleveurs passionnés et passionnants » (verbatims relevés dans les commentaires libres de l’enquête en ligne)
Pour étudier les motivations et freins des éleveurs à faire des visites, 37 éleveurs ont été enquêtés (au téléphone pour la majorité) par un groupe de 4 étudiantes de l’Institut Agro Rennes de novembre à mi-décembre 2022. Cet échantillon n’a pas vocation à être représentatif de l’état de l’ouverture des fermes en France ou dans le Grand Ouest. Il s’ait surtout de comprendre les lignes de force principales pour préparer le travail de conception.
Parmi les éleveurs enquêtés, près de 2/3 ont déjà réalisé des visites.
Les motivations des éleveurs (réalisant déjà des visites ou non), concernent :
En revanche, ils trouvent cela chronophage, craignent que les visites puissent mal se passer ou que les visiteurs en fasse une mauvaise interprétation car « avec les animaux, on ne maîtrise rien », que l’élevage ne soit pas adapté (à cause de « bâtiments vieillissants » par exemple) ou que les visites suscitent des risques de sécurité, sanitaire ou de stress pour les animaux. Certains témoignent aussi d’un manque de compétences, car « ça ne s’improvise pas ».
(Verbatims récoltés lors des entretiens avec les éleveurs)
Visiteurs et éleveurs s’accordent sur certains éléments d’organisation de visite. Une visite idéale doit être guidée par l’éleveur, durer entre 1 et 2 heures et proposer des activités pour faire découvrir l’élevage aux visiteurs (traite, soins aux animaux, nourrissage, dégustation,…), même si les idées d’activités varient selon le type de répondant. Les points de vue sur le prix de la visite varient également, entre les éleveurs qui proposent une visite gratuite tandis que les citoyens se déclarent prêts à payer entre 5 et 10€ pour participer à une visite suffisamment attractive et pédagogique. Enfin, les visiteurs souhaitent repartir avec un souvenir de leur visite.
Sur la base du diagnostic réalisé, et en partant des enseignements tirés sur l’organisation d’une visite d’élevage, le LIT OUESTEREL a ensuite proposé une série de trois ateliers de co-construction, en février et mars 2023 pour concevoir, avec des éleveurs du Pays d’Ancenis, des visites d’élevage qui seront ensuite testées par des classes de l’école d’Ancenis.
Grâce à l’implication des éleveurs dans ces trois ateliers, nous avons établi une méthode de création de visites, à utiliser en autonomie ou en groupe et à adapter au public de visite avec :
– Une liste d’objectifs à remplir lors des visites, avec les sujets associés ;
– Une liste d’activités à proposer et de besoins associés ;
– Des parcours de visites adaptables et réutilisables ;
– Des outils pour les conseillers qui souhaitent accompagner les éleveurs pour l’ouverture de leur ferme, avec des éléments sur les freins et motivation des éleveurs à faire visiter ;
– Des outils pour les éleveurs : des propositions de réponses à des questions sensibles et diverses astuces pour mener à bien une visite.
Par exemple, si l’éleveur souhaite insister sur la réalité du métier d’éleveur, il peut parler de son travail quotidien et des variations sur l’année, et proposer une activité sur le nourrissage des animaux (repousser les fourrages, distribuer le grain, donner le biberon,…).
S’il souhaite parler du respect de l’environnement, il peut montrer les prairies ou parcours et proposer une activité de reconnaissances des espèces végétales avec des images ou photos à reconnaître.
Suite à ces ateliers, trois éleveurs ont été accompagné par l’équipe du projet pour réaliser une visite en juin 2023, dont ils témoignent dans la vidéo ci-dessous :
Le diagnostic présenté ci-dessus a mis en avant des éleveurs souhaitant montrer la réalité de leur métier mais avec des craintes face aux réactions des visiteurs. Du côté des citoyens, ceux-ci apparaissaient comme ayant peu connaissances vis-à-vis du monde de l’élevage entrainant une certaine méfiance, malgré un intérêt à découvrir.
Pourtant, à l’échelle des trois éleveurs qui ont pu faire visite leur ferme, leurs témoignages nous montrent que les appréhensions qu’ils auraient pu avoir ont été levées, qu’ils ont apprécié leur visite et seraient prêts à recommencer. Du côté des enfants, parents accompagnateurs et enseignants, leur curiosité à découvrir une ferme et à en savoir plus sur le monde de l’élevage a pu être assouvie, comme en témoignent les verbatims récoltés ci-dessous après les visites :
« Les éleveurs [ont été] très pédagogues, les enfants ont appris beaucoup de choses. » Enseignante d’une classe de maternelles
« Ca a chamboulé ma vision de l’élevage. Je pensais que le robot qui trait les vaches c’était une torture » Parent d’élève
« C’était trop bien la visite ! » Enfant
Même si tous les éleveurs ne souhaitent pas forcément ouvrir leurs portes ou que pour certains cette démarche peut nécessiter un accompagnement, le guide pourra aider ceux qui souhaitent faire visiter leur ferme, et proposer ainsi des visites qui soient pédagogiques, sereines et attractives tout en renforçant le lien entre élevage et société.
Elaboré à partir de tous les résultats et enseignements de ce projet, le guide, ses supports et ses annexes sont disponibles au lien ci-dessous.
1Pour l’ensemble de cette page, le terme « éleveur » sera utilisé mais désignera à la fois éleveurs et éleveuses.
16/04/2024